Un soin inattendu, une rencontre inoubliable
Réflexologie en soins palliatifs – récit d’une expérience humaine
Je me souviendrai longtemps de ce jour.
On m’a appelée pour un soin de réflexologie à domicile. La personne au téléphone me parle d’un patient hospitalisé à la maison. Mais le réseau est mauvais, on est coupé. Je n’ai pas eu le temps de poser mes questions.
J’arrive sur place. Il fait beau, chaud. Les oiseaux chantent.
Je suis accueillie par la famille. On m’annonce que la personne que je vais voir est en soins palliatifs. Il est rentré chez lui la veille, après plusieurs mois d’hospitalisation.
On me demande, avec beaucoup de délicatesse, si cela me pose problème.
Je réponds simplement :
« C’est une première, mais si ça peut faire du bien, je suis honorée d’être là. »
Ma première séance avec lui
Mr D est allongé. Il semble très fatigué. Il ne parle pas.
Ses pieds sont marqués : des bleus profonds, une peau tendue, rigide. Pas de souplesse dans l’arche.
Je m’applique à faire tout avec la plus grande douceur. C’est une évidence : je ne peux pas aller plus vite que le corps ne l’autorise.
Avant de repartir, je montre quelques gestes simples à ses proches. Des choses qu’ils pourront refaire eux-mêmes.
Ils me demandent alors quel est le délai à respecter entre deux séances.
Je réponds que dans ce genre de situation, c’est au rythme de Mr D et de la famille. Ce qui est confortable pour eux.
Des effets… au-delà des mots
Le lendemain, je reçois un message : Mr D a adoré la séance.
Il en parle à tous ses visiteurs, à ses amis au téléphone.
Il demande quand je reviens.
On décide de se voir un jour sur deux.
Je retourne le voir, et cette fois, il me parle un peu.
Je sens que je peux aller plus loin dans le soin : j’insiste sur les zones tendues, je cherche à relancer la lymphe, le foie, la digestion. Certaines zones sont laissées volontairement de côté.
Je travaille lentement, profondément. Souvent, les yeux fermés pour mieux ressentir.
Une présence précieuse
Au fil des jours, un lien se tisse. Je parle régulièrement avec le fils de Mr D, qui organise les rendez-vous. Je prends des nouvelles. On parle de l’évolution, des émotions, du quotidien.
J’essaie d’apporter un peu de légèreté, à ma manière.
Il y a quelque chose de profondément humain qui se passe, dans le silence, dans les regards, dans les gestes.
Mr D continue de parler de moi à tout le monde. Je suis touchée.
Il organise son propre enterrement, choisit une chanteuse, raconte sa vie à sa famille, reçoit des lettres, des emails de presque toutes les personnes qu’il a connues.
Et avec tout ça, il prend tout de même le temps de parler de moi.
Le jour où tout a failli s’arrêter
On avait prévu un rendez-vous.
Mais ce jour-là, je reçois un message : son cathéter s’est délogé.
Le 7e jour depuis son retour à la maison…
Ils essaient de le remettre, appellent l’infirmière… puis plus de nouvelles pendant plusieurs heures.
C’est long. Je me suis attachée à cette famille, et je ne sais pas ce qu’il se passe.
Finalement, un message m’annonce que tout est rentré dans l’ordre.
Mr D ira à l’hôpital le lendemain matin, pour s’assurer que tout va bien côté matériel.
Retour à la maison
Deux jours plus tard, je reviens.
On discute avec la famille, ils me racontent les aventures des deux derniers jours.
Le cathéter a « explosé »…
C’était un cathéter provisoire, posé pour une durée très courte – maximum une semaine – car on avait estimé que Mr D vivrait encore 3 à 5 jours en rentrant à la maison.
Mais il est toujours là.
Et on reprend notre rythme.
Quelque chose a changé.
Les pieds de Mr D sont différents.
La peau est plus claire, il n’y a presque plus de bleus.
La souplesse revient.
La vie qui revient doucement
Il se détend pendant les soins.
Parfois, il s’endort. Je le vois rêver, ou vivre dans un autre monde. Il semble ailleurs.
D’autres fois, on papote un peu avant ou après la séance.
Son fils me demande s’il peut, lui aussi, avoir une séance.
Puis sa fille me parle des soucis de digestion de son fils, et me propose peut-être d’organiser un rendez-vous pour lui aussi.
Je sens que je fais un peu partie du décor, maintenant.
Avec douceur. Avec respect.
La famille décide d’organiser une petite fête pour célébrer les deux semaines passées à la maison.
Peu importe le temps qu’il reste : ils veulent vivre pleinement chaque jour.
Et puis, l’inattendu…
Le médecin passe. Il ausculte Mr D.
Et il annonce que son état s’améliore.
Oui, s’améliore.
Mr D célèbre cette nouvelle à sa manière : il chante à tue-tête
« Staying alive » des Bee Gees.
Et pas qu’une fois !
Personne ne le dit à voix haute, mais… il n’est plus considéré comme en soins palliatifs.
Il est désormais hospitalisé à domicile.
Ce que cette expérience m’a appris
J’ai été bouleversée par ce que j’ai vécu.
Touchée par la force de cette famille, leur bienveillance, leur énergie.
Il n’y a pas une cause unique à cette amélioration.
Mais je crois profondément que tout a compté :
★ une volonté de vivre et un peu d’entêtement,
★ le retour chez soi,
★ la chaleur du soleil,
★ les oiseaux et les bruits de la nature,
★ le soutien inconditionnel de ses proches,
et oui, peut-être aussi… mes soins, mes mains, ma présence.
Je suis heureuse d’avoir pu accompagner à ma manière.
Il y a parfois une magie qui s’opère quand plusieurs éléments se réunissent parfaitement.
Attention toutefois : nous sommes tous conscients que cette nouvelle phase est fragile, que les choses peuvent encore changer…
Mais l’optimisme est une bien meilleure vision.
Je continue de voir Mr D.
Nous allons espacer un peu les rendez-vous, car maintenant, il commence la rééducation.
Ramener du mouvement dans sa vie, retrouver petit à petit une forme d’autonomie, et – croisons les doigts – pourquoi pas, retrouver un peu de la vitalité d’avant.
Pour bouger à nouveau.
Pour vivre, encore un peu plus.
Cette expérience m’a marquée.
Elle m’a rappelé à quel point nous sommes tissés les uns aux autres,
combien la présence, la bienveillance, les petits gestes comptent.
Elle m’a soufflé qu’il n’est jamais trop tard pour que quelque chose de beau surgisse,
même dans les endroits les plus inattendus.
Il y a des présences qui transforment.
Des silences qui apaisent.
Des liens qui naissent là où la vie semblait vouloir s’arrêter.
Et parfois, un souffle, une main, un chant…
peuvent redonner envie de rester un peu plus longtemps.
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